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La panthéonisation

Un rituel national à la gloire des valeurs républicaines

 

Le 27 mai, quatre grandes figures françaises de la Résistance ont fait leur entrée au Panthéon. Cette cérémonie est l’un des rites de la République française. Sa portée est toute symbolique, mais il n’est jamais dénué d’arrière-pensées politiques.

 

La promotion de la Résistance et des valeurs républicaines

Le 27 mai dernier, quatre personnalités historiques ont fait leur entrée au Panthéon. Morts au printemps 1944, le journaliste Pierre Brossolette et le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay sont des acteurs majeurs de la France des années 1930. Amies intimes depuis leur déportation dans le camp de Ravensbrück, l’ethnologue Germaine Tillion et la militante Geneviève de Gaulle-Antonioz appartiennent à la génération suivante : l’une et l’autre ont été des intellectuelles engagées de la seconde moitié du XXe siècle.
Le point commun à ces figures : leur attitude héroïque de résistance contre l’oppresseur nazi durant la seconde guerre mondiale. À rebours de l’attitude collaborationniste adoptée par le maréchal Pétain, Brossolette, Zay, Tillion et de Gaulle-Antonioz renvoient à une page glorieuse du roman national. D’où leur entrée au Panthéon, temple du patriotisme républicain. Dans son discours d’hommage, le président de la République française a d’ailleurs souligné que ces « quatre histoires donnent chair et visage à la République » : elles incarnent les valeurs de la devise française – la liberté, l’égalité, la fraternité.

 

Un rite à la gloire des grands hommes issu de la Révolution

« Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante ». Cette citation orne le fronton du Panthéon. Elle illustre la fonction dévolue à cet imposant monument néoclassique : glorifier l’héritage national en sacralisant la figure du grand homme.

La création de l’édifice remonte au règne du roi Louis XV. Il s’agit alors d’une église catholique dédiée à Sainte Geneviève. Mais la Révolution française instaure le rite républicain de la « panthéonisation » qui vise à immortaliser ceux qui ont œuvré pour la chute de l’Ancien Régime. Au cours du XIXe siècle, le monument oscille entre sa vocation d’église et son usage laïque. Le deuxième modèle finit par s’imposer avec le triomphe de la République.

La seule condition pour pouvoir intégrer le sanctuaire des grands hommes est la possession de la nationalité française. Des personnalités politiques, comme Jean Jaurès ou Jean Monnet, y côtoient des écrivains tels que Victor Hugo ou Emile Zola, des scientifiques comme les époux Pierre et Marie Curie, ou encore des militaires des guerres napoléoniennes tombés depuis dans les oubliettes de l’Histoire.

Une liste composée dans son écrasante majorité d’individus de sexe masculin. Avant Tillion et de Gaulle-Anthonioz, Marie Curie était la seule femme panthéonisée aux côtés de 70 hommes. Ce manque de représentativité avait été mis en lumière lors d’une consultation citoyenne initiée par les pouvoirs publics : elle portait sur les personnalités que les Français souhaitaient voir entrer au Panthéon.

 

Un rituel symbolique doublé d’un acte politique

Mais la décision finale de panthéoniser des figures ayant marqué l’Histoire de la France revient toujours au président de la République. Dès lors, elle revêt un fort enjeu politique. La désignation d’une ou plusieurs personnalités permet au président d’inscrire son mandat dans la lignée des figures tutélaires choisies. François Mitterrand a rendu hommage à pas moins de sept personnalités qu’il admirait, du philosophe Nicolas de Condorcet au père fondateur de l’Union Européenne Jean Monnet.

Lors de la cérémonie, le discours tenu par le président de la République en exercice consiste souvent à tisser des liens entre les personnalités panthéonisées et la réalité contemporaine. Une dimension visible dans les propos de François Hollande le 27 mai : le chef de l’État a évoqué un « devoir de résistance » qui prend une résonance particulière dans le contexte de la montée des extrémismes. Il n’a pas hésité à comparer « la liberté qui poussa Brossolette à unir la Résistance » aux « Français qui se sont levés le 11 janvier », lors de la marche suivant les attentats perpétrés au siège du journal Charlie Hebdo. Une unité symbolique qui présente l’avantage de transcender les divisions partisanes, en réconciliant le socialisme de Pierre Brossolette avec le gaullisme de Geneviève de Gaulle-Antonioz.

 

Crédits photographiques : © Présidence de la République