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Culture

Changement de décors

 

La Comédie-Française a entamé sa saison 2015-2016. Éric Ruf, son nouvel administrateur général, entend bousculer « le Français », comme on surnomme le théâtre, avec une programmation osée. Retour sur l’histoire d’un emblème culturel.

 

Premier théâtre de la nation

Le 21 octobre 1680, une lettre signée Louis XIV officialise la réunion des seules troupes parisiennes de l’époque : la troupe Royale et la troupe de Molière, décédé 7 ans plus tôt. C’est l’acte de naissance de la Comédie-Française, doyenne des institutions culturelles en France et plus ancienne troupe au monde. Surnommée « le Français », elle compte aujourd’hui 300 pièces à son répertoire, principalement de langue française. Racine y côtoie Musset ou Marivaux, mais aussi des auteurs étrangers tels que Shakespeare ou Ibsen.

 

Le fauteuil de Molière

Avec 30 000 représentations de ses pièces, Molière demeure néanmoins l’auteur le plus joué de l’histoire du théâtre. Son statut de figure tutélaire trouve une traduction concrète à l’entrée de la salle Richelieu : c’est sur le fauteuil exposé dans le foyer du public que le dramaturge agonisa. Ironie du destin, il venait de faire sa dernière apparition dans le rôle-titre du « Malade imaginaire », l’une de ses plus fameuses comédies…

Toujours utilisé comme accessoire de scène un siècle après la mort de son glorieux occupant, ce fauteuil aurait pu disparaître en 1799 : l’Odéon, qui abritait alors la troupe du Français, fut ravagé par un incendie. Fort heureusement, la relique avait été prêtée à un autre théâtre et échappa aux flammes. C’est une copie qui est désormais exposée aux yeux du grand public. Le véritable fauteuil ne paraît plus sur scène qu’une fois par an, le 15 janvier, jour anniversaire de la naissance de Molière.

 

Une institution liée au pouvoir politique

Établissement public dépendant du ministère de la Culture, la Comédie-Française est l’unique théâtre d’État à disposer d’une troupe permanente, composée d’une soixantaine d’artistes. Ceux-ci bénéficient d’un statut particulier, défini par Napoléon lui-même : engagés comme pensionnaires, les comédiens de l’institution peuvent accéder au bout d’un an au rang de sociétaire, avec un salaire plus avantageux.

Autre particularité de la Comédie-Française : son administrateur est nommé par le président de la République sur suggestion du ministre de la Culture. Reflet du rapport de dépendance étroit que la Comédie-Française entretenait, à ses origines, avec la monarchie… Éric Ruf, comédien sociétaire depuis 21 ans, en est l’administrateur général depuis 2014. Son rôle pour les 5 années à venir : engager des artistes en fonction des projets et définir la programmation du théâtre.

 

Révolution tranquille

Éric Ruf a exprimé la volonté de donner un nouveau souffle à la Comédie-Française. La programmation 2015-2016, sobrement intitulée « Une saison au théâtre », illustre cette démarche : elle oscille entre respect des traditions et modernisation artistique. On bascule d’un classique « Roméo et Juliette » (mis en scène par Éric Ruf lui-même) à l’adaptation du « Père » d’August Strindberg dirigée par Arnaud Desplechin : ce cinéaste fait ici ses débuts comme metteur en scène de théâtre. On pourra aussi découvrir les talents de marionnettiste du comédien Christian Hecq dans une adaptation de «20 000 lieux sous les mers» de Jules Verne.

À plus long terme, le projet initié par Éric Ruf comporte aussi l’acquisition d’une salle modulable, indispensable à la mise en scène des dramaturgies modernes. « Quand l'espace n'est pas juste, le sens de l'œuvre et le contact avec le public sont empêchés » déclare celui-ci, pour qui la salle Richelieu, la plus fameuse des trois scènes du Français, présente les défauts de son âge.

Ces ambitions réformatrices pourraient toutefois se heurter à une limite : celles des restrictions budgétaires imposées par l’État dans le domaine culturel. Car prendre la tête du Français n’est pas seulement une passionnante aventure artistique : c’est aussi un sacerdoce qui nécessite de composer avec le pouvoir en place, comme le fit Molière en son temps.

 

Crédits photos : © Tommpouce