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François Sylla, entrepreneur discret

L'accélération des particules, un artisanat comme les autres

 

Cofondateur d’une entreprise spécialisée dans l’accélération laser-plasma, François Sylla défend aux quatre coins du globe le savoir-faire tricolore en matière d'ingénierie. Rien de plus naturel pour ce Français de cœur né au Togo il y a 33 ans.

 

ENTREPRENEUR ATYPIQUE

François Sylla n’est pas un entrepreneur comme les autres. Sa start-up, SourceLAB, n’est pas spécialisée dans la conception d’objets connectés ou dans la vente de musique en ligne, mais dans « l’accélération laser-plasma ».

Le sujet est ardu, mais François Sylla possède un sens certain de la pédagogie : « Un plasma, c’est un gaz chaud. Si vous dirigez un faisceau laser intense sur un liquide, un solide ou un gaz, le contact des deux crée une onde de plasma très chaud qui expulse les particules de matière dans tous les sens. On parle alors d’accélération de particules. Nous étudions les propriétés de ce plasma et de ces particules afin d’en apprendre plus sur la matière et de tenter d’en dégager des applications. »

Le parcours de François Sylla est lui aussi marqué par les alchimies fécondes. Il naît au Togo il y a 33 ans d’un père guinéen et d’une mère polonaise, et effectue toute sa scolarité en Guinée, au lycée français de Conakry. « Mes parents avaient conscience que c’était, de loin, la meilleure école du pays. »

Après le bac, il se voit proposer une bourse de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger pour venir étudier en France. Une prépa à Lyon au lycée Du Parc, une école d’ingénieur à Paris – ESPCI-Paris Tech – puis un passage par l’Imperial College de Londres pour étudier l’optique… François Sylla enchaîne les succès en même temps que les déménagements. L’environnement de l’ESPCI, propice à la recherche appliquée, le pousse à se lancer dans une thèse en 2007.

UN PARCOURS BRILLANT ET SANS ACCROCS

Antonin Bollot, son colocataire de l’époque, l’a convaincu de postuler au Laboratoire d’optique appliquée (LOA) de Paris Saclay pour travailler sur l’accélération laser-plasma, secteur dans lequel la France est pionnière.

La recherche, c’est aussi du bricolage. Pour déclencher la réaction qu’ils veulent étudier, François Sylla et Antonin Bollot ont besoin d’une « cible d’interaction », sorte de caisson pressurisé à l’intérieur duquel le laser se heurte à la matière. Mais pas un laboratoire ni une entreprise au monde ne produit la pièce en question : les deux doctorants sont contraints de la fabriquer eux-mêmes. C’est un déclic : « Nous nous sommes dit que d’autres équipes de chercheurs voudraient pouvoir disposer de cet objet pour leurs expériences. On a décidé de développer cette offre. »

 

AMBASSADEUR DU SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS

François Sylla et Antonin Bollot créent SourceLAB en 2013. Les cibles d’interaction trouvent immédiatement preneur, et le carnet de commandes continue d'être bien rempli : « Parmi nos références, énumère avec fierté le dirigeant de la start-up, on compte aujourd’hui des laboratoires allemands, l’université de Berkeley, un énorme centre de recherche coréen… Des gens très sérieux, qui nous font tous confiance. »

L’aventure n’aurait pas été possible sans l’appui dont ont bénéficié les deux entrepreneurs. « Après la crise, l’État français a mis l’accent sur l’innovation en développant des structures de financement. Pour pouvoir se lancer dans une telle aventure, c’était le contexte idéal. » François Sylla incarne aujourd’hui l’excellence de l’ingénierie tricolore : « Essentiellement, je me vois comme français, confie-t-il sans la moindre hésitation. C’est d’ailleurs comme ça qu’on me perçoit la plupart du temps dans mes déplacements professionnels. »

 

LA SOIF D’APPRENDRE ET D’ENTREPRENDRE

Au-delà des soutiens extérieurs, François Sylla doit avant tout son succès à une grande curiosité et un sens aigu de l’entrepreneuriat. Sa première affaire, il la lance à tout juste 16 ans. Ses parents lui offrent un pécule : beaucoup d’ados en profiteraient pour partir en vacances ou s’acheter une voiture. Lui décide de… construire une pirogue. Il investit dans des moteurs, puis dans une activité de pêche qui l’amènera un temps à employer 10 personnes.
L’aventure est éphémère mais formatrice. Dix-sept ans plus tard, il traque la particule plutôt que le poisson, mais ses motivations sont les mêmes : apprendre et entreprendre. « Aujourd’hui comme hier, je vends des objets que je fabrique moi-même. C’est ma conception de l’entreprise. »

 

François Sylla n’en a pas fini avec les expériences. Il vient de créer avec un ami l’association SYFO. Leur objectif : planter le premier vignoble guinéen. « Nous avons trouvé une région au climat similaire à celui du Luberon. On va tenter d’y planter du merlot et du cabernet, et voir ce que ça va donner. » La boucle est bouclée : François Sylla pourrait bientôt retourner faire dans le pays de son enfance la promotion d’un savoir-faire typiquement hexagonal. « Si ça réussit, je deviendrai peut-être négociant viticole. C’est comme ça que je fonctionne. »

 

Crédits photos : © Samuel Cortès / Animal pensant