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ANNEE BERLIOZ

Redécouvrir le génial musicien romantique

Quand on évoque la musique romantique, on pense à Beethoven, Liszt, Schubert ou Brahms. Mais sait-on que l'un des plus grands compositeurs romantiques est un Français ? Pour favoriser sa (re)découverte, le ministère de la Culture consacre une année de festivités à Hector Berlioz.

 

Début 2019, l'Opéra national de Paris a présenté, avec le succès que l'on sait, une nouvelle production des Troyens, révélant à un public conquis l'étendue et la profondeur du génie musical de Berlioz. A l'image de cette production, l'année Berlioz, un événement conçu par le ministère de la Culture à l’occasion du 150e anniversaire de la mort de l'artiste, partage la même ambition : faire découvrir ou redécouvrir à un large public la modernité de cet artiste aussi célèbre que méconnu.

L'année Berlioz, c'est partout en France, mais aussi en Europe, de nombreux concerts, événements, colloques, interventions et expositions qui vont rendre, tout au long de l'année 2019, un hommage appuyé au musicien dont l’Académie des Beaux-Arts vient de demander l’entrée au Panthéon. Entretien avec Bruno Messina, auteur d’une biographie (Berlioz, Actes Sud, 2018) et directeur du festival Berlioz à La Côte-Saint-André en Isère, qui pilote cette manifestation pour le ministère de la Culture.

Quel est l’esprit de cette année Berlioz ?

Nous voulons créer de l’enthousiasme autour de Berlioz. Depuis des années, dans le cadre du festival qui lui est dédié à La Côte-Saint-André, devenu au fil des ans un point d’ancrage pour les berlioziens, nous ne cessons d’affirmer son importance pour la France qui ne l’a pas toujours célébré à sa juste valeur. Avec cette année Berlioz, l’injustice va être réparée. La première idée, c’est de fédérer toutes les forces. L’Opéra de Paris ou la Philharmonie, pour ne citer qu’eux, ne nous ont bien sûr pas attendus pour avoir une programmation propre. À côté de ces grandes institutions, notre démarche a consisté à donner un meilleur éclairage aux événements déjà programmés ou à aider à leur réalisation. Je suis par exemple allé voir tous les grands labels. Certains, comme Warner qui édite la première intégrale Berlioz, avaient déjà un projet, mais ce n’était pas le cas de Sony qui a alors eu envie d’éditer un coffret comprenant notamment des enregistrements de Boulez.

 

Théophile Gautier parlait de Trinité du Romantisme : Hugo pour la littérature, Delacroix pour la peinture et Berlioz pour la musique

 

Quel homme Berlioz était-il ?

C’est une personnalité extraordinairement complexe, attachante, c’est un vrai romantique bouleversé par ses histoires d’amour et capable de mettre en péril son œuvre par ses débordements. Berlioz musicien, c’est à la fois le compositeur que l’on connaît tous, sans savoir à quel point il embrasse un champ extrêmement large, allant d’une musique raffinée, extrêmement délicate, comme dans Les Nuits d’été, jusqu’à une musique de grands événements. Berlioz invente la spectacularisation, les premiers grands rassemblements musicaux. Il invente également la mélodie française, réforme l’orchestre et l’opéra, introduit le théâtre dans la musique. C’est aussi un critique et un auteur de nouvelles. Je pense à Euphonia où il invente en 2344 une ville musicale très orwellienne. C’est un grand Européen. De l’Angleterre à la Russie, sa musique va circuler partout. C’est aussi quelqu’un qui se passionne pour les avancées de la science. Il y a des caricatures de l’époque où on le voit connecté par des fils électriques à l’ensemble des continents de la planète pour diriger un concert... On sait ce qu’il en est aujourd’hui ! C’était un visionnaire, il a été l’un des premiers à utiliser l’électricité en musique avec un métronome à battements électriques. Il vit à Paris mais son extraction dauphinoise – il est né dans ce petit bourg de La Côte-Saint-André où il est désormais célébré chaque année – reste extrêmement forte. C’est un autodidacte, il commence la musique à l’âge de douze ans avec une flûte de berger puis passe à la guitare à quinze. Il va échouer cinq fois au prix de Rome… il réussit là où il a échoué et en cela il est très stimulant. C’est une personnalité majeure. Théophile Gautier parlait de trinité de l'art romantique. Victor Hugo pour la littérature, Delacroix pour la peinture et Berlioz pour la musique.

 

 

Comment expliquez-vous que cet homme célébré à l’étranger ait été victime d’un désamour dans son propre pays ?

Mon hypothèse, c’est qu’il n’était pas le produit des grandes écoles dans un pays, la France, qui a besoin de ces référents académiques. Mais c’est précisément pour cette raison qu’il a pu inventer quelque chose d’inouï. Quand on entend La Symphonie fantastique, on est immédiatement saisi par sa modernité. Même chose pour Roméo et Juliette : on voit arriver sur scène trois chanteurs, l’orchestre et le chœur en pensant que les deux héros sont interprétés par le ténor et la soprano, mais non, ce ne sont que des narrateurs secondaires de l’histoire, c’est l’orchestre qui incarne Roméo et Juliette ! Leur amour est si grand qu’il est indicible, il ne peut être que de la musique pure. Rien qu’en vous le disant, j’en ai des frissons. Berlioz a fondamentalement préféré l’effet à la forme, il est venu bousculer les formes.

Vous disiez à l’instant qu’il a inventé la spectacularisation…

C’est quelque chose d’inimaginable. Aujourd’hui, on a des festivals de photographie, de cinéma, de musique… mais tout a commencé avec Berlioz. À cette époque, le festival était une espèce de grande foire et Berlioz est le premier à créer un concept entièrement culturel, monographique, où l’on ne va traiter que de musique. Là encore, il est moqué… sauf en Allemagne, où pendant dix ans, il organise tous les étés un festival à Baden-Baden. Ce qui, soit dit en passant, donnera des idées à Wagner qui, bien avant les autres, aura avec Bayreuth, sa ville-festival.

 

 

Il y a aussi l’homme passionné de progrès.

Absolument, et cette dimension n’a pas été oubliée dans la programmation. Songez que pour l’ouverture du festival de l’industrie, on commande à l’époque un Requiem à Berlioz. Celui-ci est spatialisé, c’était une invention incroyable, on était plongé dans le son. Songez aussi que pour l’inauguration de la gare de Lille et de la ligne Paris-Bruxelles, il a écrit Le Chant au chemin de fer, et je suis particulièrement heureux que la Belgique, à travers Le Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet, ait décidé de lui rendre hommage dans le cadre de cette année Berlioz.

 

Nous voulons créer de l’enthousiasme autour de Berlioz, ce musicien aux mille visages

 

La programmation reflète-t-elle tous ces visages ?

Oui je le crois. Nous avons déjà 250 événements sur le site Berlioz 2019, conçu avec les services du ministère de la Culture, qui recense l’intégralité des événements en France et au-delà avec une carte allant de Londres jusqu’aux confins de l’Europe. On va du grand Berlioz, symphonique, lyrique, jusqu’au Berlioz mélodique. C’est celui-ci du reste que le concours international de musique de chambre de Lyon mettra à l’honneur. Je suis aussi en discussion avec la ville de Paris pour refaire La grande symphonie funèbre et triomphale commandée à Berlioz par Louis-Philippe en 1840 pour rendre hommage aux révolutionnaires morts pendant les journées de juillet, dans les lieux de sa création à Paris. Cette année Berlioz, ce sont des événements de toutes tailles, de Berlioz fêté dans les conservatoires jusqu’à des grands événements internationaux comme Les Troyens à l’Opéra Bastille. C’est aussi toute une génération de chefs français, François-Xavier Roth, Jérémie Rohrer, Alain Altinoglu, et tant d’autres, qui s’approprie son œuvre. Et c’est naturellement un festival Berlioz à La Côte-Saint-André qui cette année revêtira une dimension exceptionnelle. C’est faire en sorte que tout le monde à un moment donné se demande qui était cet homme. On a tous entendu le nom de Berlioz un jour, ne serait-ce que parce qu’on a vu La Grande Vadrouille ou Les Aristochats. Je n’ai jamais rencontré un enfant qui n’ait pas entendu le nom de Berlioz. De même, quand je voyage à l’étranger, même si on ne sait pas exactement ce qu’il a fait, le nom est extrêmement connu.

 

 

Des colloques et des conférences sont-ils également prévus ?

Le premier grand colloque aura lieu pendant le festival Berlioz à La Côte-Saint-André. Nous allons poser la question du legs de Berlioz avec des spécialistes du monde entier.  « Qu’en est-il de Berlioz 150 ans après sa mort ? ». Le second colloque aura lieu à Paris et se penchera sur un paradoxe : pourquoi après avoir triomphé à Paris avec La Symphonie fantastique, Berlioz, qui est réclamé dans le monde entier, est-il boudé par la capitale ? Je trouve formidable que l’Académie des Beaux-Arts soutienne l’entrée au Panthéon de Berlioz, ce serait un symbole magnifique.

Encore un mot sur le festival Berlioz à La Côte-Saint-André ?

C’est beaucoup plus qu’un simple festival ! Avec les associations du territoire, nous faisons construire un cheval de Troie en hommage aux Troyens pour aller vers les jeunes, c’est aussi cela Berlioz, il permet de raconter des mythes. Par ailleurs, la grande structure installée dans la cour du château de La Côte-Saint-André permet de bénéficier de qualités acoustiques exceptionnelles. Des chefs prestigieux du monde entier vont faire le déplacement : John Eliot Gardiner avec l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique, Valery Gergiev avec le Mariinsky de Saint-Pétersbourg, Tugan Sokhiev avec l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, François-Xavier Roth, avec lequel nous avons par ailleurs créé le Jeune Orchestre Européen Hector Berlioz - Isère, qui est une académie d’orchestres sur instruments d’époque… Tous seront ici comme en pèlerinage, dans la matrice de l’univers de Berlioz.

 

Éducation artistique : Berlioz et les jeunes

« On a tous entendu le nom de Berlioz un jour, affirme Bruno Messina, ne serait-ce que parce qu’on a vu Les Aristochats et que c’est un des petits chats du film ». Derrière cette observation malicieuse, le commissaire général de l’année Berlioz est bien conscient du véritable « enjeu » que représente le renouvellement du public du compositeur, et notamment des plus jeunes. « Je ne manque jamais une occasion d’aller dans les collèges et les lycées pour parler de Berlioz aux jeunes. Entre le côté amoureux de Berlioz, comme on l’est toujours à cet âge, et son génie, ses réussites malgré les épreuves permanentes, son côté autodidacte, il est particulièrement stimulant pour les jeunes », relève-t-il, en annonçant plusieurs événements jeunes publics au cours de l’année Berlioz, dont « le dévoilement d’une plaque sur la Promenade des Anglais, à l’initiative d’un professeur de clarinette du conservatoire municipal de Nice, où de nombreuses festivités sont prévues avec les enfants du conservatoire ».