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Publication de l’interview exclusive d'Ambassadeur de France en Indonésie

AMBASSADEUR CORINNE BREUZÉ - Bilan d'une mission

 

Corinne Breuzé, Ambassadeur de France en Indonésie depuis 3 ans, quitte ses fonctions début octobre. Pour le lancement du site lepetitjournal.com/Jakarta, elle a accepté de faire le bilan de son action, plus généralement de dresser le portrait des relations franco-indonésiennes et d’évoquer les sujets qui touchent la communauté française expatriée à Jakarta : la sécurité, le Lycée Français, le dossier TV5. 

Lepetitjournal.com/Jakarta : Comment s’est déroulée votre mission en Indonésie ? 

Corinne Breuzé : J’ai travaillé sur trois axes majeurs qui avaient été définis en amont avec le ministère des Affaires Etrangères : renforcer le dialogue politique avec l’Indonésie, mettre l’accent sur la diplomatie économique et développer la coopération universitaire et culturelle. 

Du côté du dialogue politique, nous avons une convergence de vue totale avec l’Indonésie sur l’ensemble des grands sujets internationaux, notamment la lutte contre le terrorisme et les dossiers moyen-orientaux. Le premier Partenariat Stratégique signé en Asie du Sud-Est l’a été avec l’Indonésie, c’est dire l’importance que la France accorde au dialogue franco-indonésien. Ces derniers mois, les relations se sont intensifiées grâce à de nombreuses rencontres bilatérales : lors des deux derniers G20 par exemple, les Présidents Hollande et Jokowi se sont rencontrés en tête-à-tête. 

En 2015, les exportations françaises vers l’Indonésie ont progressé de 33% pour atteindre 2,2 milliards d’Euros, comment analysez-vous cette progression ? 

Les secteurs aéronautique, industriel et agroalimentaire ont grandement contribué à cette embellie. Et c’est vrai que la diplomatie économique a occupé une très grande partie de mon temps, pendant trois ans. L’idée était de permettre aux entreprises françaises de participer aux vastes programmes d’infrastructures lancés par l’Indonésie ces dernières années. Par ailleurs, les enseignes Galeries Lafayette et Kayser se sont installées, la Société Générale a ouvert un bureau et BNP Paribas a augmenté ses effectifs. Ce sont des exemples parmi d’autres. 

Même si l’Indonésie est un marché difficile, complexe, très concurrentiel, les entreprises françaises peuvent s’enorgueillir de beaux succès et  j’espère que cela continuera, malgré le ralentissement de l’économie indonésienne notamment sur les secteurs miniers et pétroliers.

Vous évoquiez la coopération universitaire et culturelle comme axe de développement des relations franco-indonésiennes, qu’en est-il de ce dossier ? 

En 2015, il y a eu 100 projets culturels franco-indonésiens, soit un projet tous les trois jours ! « L’envie de France » se développe et la culture en est un excellent vecteur. Par ailleurs, la coopération universitaire est en forte augmentation : l’année dernière, 468 étudiants indonésiens ont choisi la France pour leurs études supérieures, nous en espérons 500 cette année. Ils deviendront de futurs bons candidats pour les entreprises françaises en Indonésie : récemment, un jeune énarque indonésien a rejoint l’équipe Airbus basée à Jakarta.

Parmi les sujets qui intéressent la communauté française installée à Jakarta, et plus largement en Indonésie figure la sécurité en premier lieu. Comment l’Ambassade perçoit le risque pour la communauté française en Indonésie ? 

Avec les affaires économiques, la sécurité a été ma priorité. Nous avons la chance d’entretenir des relations de confiance avec les Indonésiens dans ce domaine et ils ont toujours répondu présent lorsque nous avons sollicité des protections supplémentaires pour les intérêts français, en particulier depuis l’attentat du 14 janvier dernier à Jakarta. Les Indonésiens obtiennent de très bons résultats en matière de lutte contre le terrorisme, ils y mettent beaucoup de moyens et nous poursuivons les mêmes objectifs. 

De notre côté, nous avons structuré la prévention du risque : mise en place des chefs d’ilots, rédaction d’un guide de sécurité très détaillé, numéro d’urgence et permanences les week-ends et jours fériés. Il reste les travaux de sécurisation du Lycée Français de Jakarta, ils ont pris du retard, je le regrette et en ai fait part au Président du Conseil d’Administration du LFJ. Mais, il me semble que le risque en Indonésie est moins lié au terrorisme qu’aux risques naturels, n’oublions pas que l’Indonésie est située sur la ceinture de feu du Pacifique. 

En 2015, TV5 a été censurée par les autorités indonésiennes. Un espoir de retrouver la chaîne sur nos écrans prochainement ? 

J’ai en effet constaté cette censure, avec surprise. En cause, des programmes qui ne répondaient pas aux critères énoncés par la loi indonésienne sur les bonnes mœurs. Un an de négociations entre TV5 Monde, les ambassades partenaires (Belgique, Suisse, Canada et France) et les autorités indonésiennes - le ministère des Affaires Etrangères et celui de la Communication -, a abouti à la levée de cette interdiction. Nous l’avons obtenue à condition que la programmation diffusée en Indonésie s’aligne sur celle des pays du Moyen-Orient. Nous attendons maintenant que les autorités de tutelle envoient une circulaire aux opérateurs pour officialiser la fin de cette censure, la circulaire tarde à arriver… La commission audiovisuelle indonésienne vient d’être renouvelée, cela permettra peut-être de débloquer définitivement la situation. 

A quelques semaines de votre départ de l’Indonésie, quel est votre bilan personnel ? 

J’ai vécu trois années riches, fructueuses, durant lesquelles j’ai beaucoup appris. Je pars néanmoins avec une frustration qui est celle de ne pas avoir pu développer suffisamment  les relations franco-indonésiennes, j’aurais souhaité plus de visites ministérielles et une plus grande visibilité de l’Indonésie en France.  

Amélie Heim (www.lepetitjournal.com/jakarta) mercredi 21 septembre 2016

Crédit photos : M.Dassonville - C. Feder - P.Grenouilleau - V.Ouvrard